Ensemble de huit chaises et une bergère "en cabriolet à la grecque" Etiquettes manuscrites, W au feu et marques à l'encre Commande de l'année 1784 pour l'Abbé Daran Aumônier de la vénerie du Château de Versailles.
Découverts en juillet 2018 par Maître Camille Chabroux, commissaire-priseur, ces sièges ont été préemptés par le Château de Versailles lors de la vente aux enchères du 13 décembre 2018 organisée à l’hôtel des ventes Saint Aubin.
Adjugés 27 280 euros sous le marteau du commissaire-priseur Maître Marc Labarbe, cet ensemble rejoint ainsi, et pour notre plus grand plaisir, les collections du château et va permettre de renforcer la représentation du mobilier dit “ordinaire” réalisé sous le règne de Louis XVI.
Ces sièges ont été créés en 1784, cinq années à peine avant que gronde la Révolution Française, et avec elle, la dispersion du mobilier garnissant entre autres les résidences royales. Probablement vendus à cette période trouble, leur redécouverte dans un château de province du Sud-Ouest de la France en 2018 et leur retour dans leur demeure d’origine au début de l’année 2019 demeurera probablement l’un des évènements les plus émouvants dans l’histoire des ventes aux enchères de la maison de vente Marc Labarbe.
“Une bergère en cabriolet à la grecque”
Supportée par quatre pieds cannelés en gaine, l’assise de la bergère, simplement moulurée et légèrement bombée, devait accueillir un carreau, aujourd’hui manquant. Les dés de raccordement sont ornés d’un motif de rosette et prolongés par des consoles d’accotoir galbées, tandis que les accotoirs rectilignes reçoivent des manchettes d’un velours vert joliment gaufré dont l’étoffe est identique à celle des joues et du dossier haut.
Le revers de la traverse inférieure comporte la marque au feu du W de Versailles ainsi qu’une étiquette manuscrite mentionnant « une bergerre en cabriollais ala / greque pour M labé Darran / aumonnie delavenerie ». Si aucune estampille ne semble avoir été apposée, la bergère conservesa marque à l’encre « W N°63A » sur les sangles de l’assise.
Huit chaises à velours gaufré
Les huit chaises, issues d’un ensemble qui en comptait originellement dix, sont stylistiquement identiques à la bergère mais garnies d’un velours gaufré différent, rayé en vert et cramoisi.
Chacune présente des éléments identiques à ceux recensés sur la bergère, à savoir une étiquette – plus ou moins bien conservée selon la chaise – comportant description du meuble et le nom de son destinataire ; le W au feu sur la traverse inférieure ; la marque au pinceau W N°63.10 sur les sangles.
Bien que la logique ayant présidé à la numérotation au pinceau des meubles reste encore
énigmatique aux yeux des spécialistes , Bertrand Rondot souligne (1) que celle-ci est
« caractéristique des meubles livrés par ‘la boutique’ et non par les fournisseurs du Garde-meuble
de la Couronne, meubles d’usage plus courant et de fabrication plus simple réalisés dans des ateliers travaillant directement pour le garde-meuble (2) ». Pour autant, cette fabrication simple n’enlève rien à la valeur historique de l’ensemble puisque « paradoxalement, le mobilier le plus simple est celui qui fait aujourd’hui le plus cruellement défaut dans les collections du château » (3).
Par ailleurs, trace a été retrouvée de cet ensemble dans les « Rapports et décisions pour distributions de fournitures et de meubles. 1784-1792 – Prêts de meubles et distributions : état divers et récépissés. 1699-1784 (4)» des Archives nationales.
Y sont décrites, dans une section portant état des prêts à « Mr Labbé Daran. Aumonier » des « Chaises en cabriolet couvertes de velours d’Ütrecht cramoisi » sous le numéro W.n°.63.10 ainsi que « 1 Bergere avec son carreau, en cabriolet à la grecque garnie en couverte de velours d’Ütrecht vert et blanc » sous le numéro W.n°.63.A.
Enfin, notons que la bergère de l’abbé Daran se rapproche en tout point d’une bergère de 1783 portant le numéro W n°67A, pour M. Le Fournier d’Yauville, gentilhomme lui aussi rattaché à la Vénerie, aujourd’hui en mains privées (5).
Elle s’apparente également à une autre bergère, très proche, de 1783 pour M. Dumas de Goursac, écuyer du roi à la Grande Ecurie, encore que cette dernière ne comporte apparemment pas de marque à l’encre sur ses sangles .(6)
Par la conservation de tous les éléments attestant de sa provenance – étiquette manuscrite, W au feu et marque à l’encre – l’ensemble mobilier retrouvé à Toulouse possède donc un intérêt historique indéniable et donne à voir ce que constituait le mobilier ordinaire de Versailles sous le règne de Louis XVI.
1 CONDAMY Laurent, « Les ‘boutiques’ des maisons royales et du Garde-Meuble de la Couronne (1666-1792) », Versalia, n°19, 2016, pp.123-124
2 BABELON Jean-Pierre (dir.), MEYER Daniel, Meubles royaux récemment acquis à Versailles (1985-1989), Mobilier, Revue du Louvre et des musées de France, n°2, 1990, pp. 95-96
3 Bertrand RONDOT cité dans Le Grand Livre du Mécénat, Société des Amis de Versailles, Versailles, 2016, p.126
4 AN, O134788 Extrait
5 CONDAMY Laurent, « Les ‘boutiques’ des maisons royales et du Garde-Meuble de la Couronne (1666-1792) », Versalia, n°19, 2016, p.128
6 Ibid.
Bibliographie indicative :
CONDAMY Laurent, « Les ‘boutiques’ des maisons royales et du Garde-Meuble de la Couronne (1666-1792) », Versalia, n°19, 2016, pp.115-132